Je m’étais rendue à Vaux-le-Vicomte il y a quelques mois déjà, mais si je ne vous en ai pas parlé tout de suite, c’est que j’ai pris le temps de lire la biographie du maître des lieux pour répondre à toutes les questions que ma visite au château avait laissées sans réponse.
Parmi les nombreux ouvrages qui se trouvaient dans la boutique à la sortie du château, j’ai choisi la biographie Fouquet
par Jean-Christian Petitfils, pour plusieurs raisons : elle me semblait abordable et pas centrée exclusivement sur l’aspect financier de la carrière de celui qu’on surnommait l’écureuil, tout en étant sérieuse (des pages et des pages de sources crédibles à l’appui dans les annexes. Qui plus est, Jean-Christian Petitfils est un historien reconnu). Et 607 pages n’étaient pas de trop pour mieux cerner un homme à la personnalité aussi foisonnante !
Cerise sur le gâteau : si l’on peut se perdre parmi les noms des nombreux personnages historiques qui gravitent autour de Nicolas Fouquet, on appréciera la plume du biographe qui parvient à faire revivre les fêtes galantes et les intrigues du XVIIe siècle, comme si on y était. Les contemporains de Fouquet ne sont pas diabolisés, autant que ce dernier n’est pas idéalisé, et enfin : les hypothèses émises sont portées avec conviction mais sans omettre les autres théories.
Qui était l’Homme derrière le Surintendant des Finances ?
La famille de Fouquet était d’ascendance bourgeoise et s’est élevée dans la société comme souvent à cette époque : par de riches mariages. Éduqué par les jésuites, Nicolas Fouquet progresse dans la magistrature en se distinguant par ses qualités oratoires et ses décisions judicieuses en situation de crise.
Aimant le faste et tout ce que son époque offrait comme divertissement, Nicolas Fouquet était un grand séducteur qui n’oubliait jamais d’exploiter les talents de ses amantes comme informatrices à la Cour.
Mécène et amateur d’Art sans être un collectionneur exceptionnel (on retrouve néanmoins de nombreuses pièces lui ayant appartenu dans les musées nationaux, et notamment au Louvre), Nicolas Fouquet était avant tout un amoureux des livres.
Les 27 000 ouvrages qu’il possédait dépassèrent rapidement les capacités de la bibliothèque de Vaux, qu’il envisageait d’ailleurs d’ouvrir au public et qu’il concevait comme « une collection couvrant le savoir universel », bien en avance sur l’Encyclopédie de Diderot et compagnie !
Parmi les artistes que Fouquet a encouragés, on retiendra notamment Paul Scarron, premier époux de la future Mme de Maintenon, et La Fontaine. Celui-ci le soutiendra jusque dans sa défaveur, dans son Elégie aux nymphes de Vaux ou sa fable Le Renard et l’Écureuil (non publiée de son vivant, et pour cause : le Renard, c’est Colbert, qui lui supprimera sa pension pour la peine).
Parmi les nombreuses cordes à son arc, Nicolas Fouquet était également apothicaire amateur, une passion qu’il tenait de sa mère et qui l’a aidé à passer le temps dans ses dernières années en prison.
Nicolas Fouquet faisait-il de l’ombre au Roi Soleil ?
Protégé de Mazarin, Nicolas Fouquet a eu les faveurs de la Reine mère, Anne d’Autriche, jusqu’au bout. Son charisme lui avait valu de nombreux alliés, dont certains lui sont restés fidèles même après sa déchéance.
Sa plus grosse erreur fut sans doute d’avoir sous-estimé Louis XIV qui, après s’être libéré de la tutelle de Mazarin, entendait bien reprendre la main sur les finances de l’Etat et voyait d’un mauvais œil le réseau puissant sur lequel reposaient le pouvoir et la fortune de Nicolas Fouquet, lui laissant bien peu de personnes de confiance sur lesquelles il pouvait s’appuyer lui-même.
Le procès de Nicolas Fouquet était-il une machination ?
Lorsque Nicolas Fouquet est arrêté par D’Artagnan en 1661 après le décès de Mazarin, il est pris par surprise : il est certes épuisé physiquement par l’exercice du pouvoir, mais au faîte de sa gloire. La légende qui veut que Louis XIV ait fait arrêter Fouquet après la fastueuse fête qu’il avait organisée en son honneur à Vaux-le-Vicomte n’est pas tout à fait exacte : en vérité, Colbert et Louis XIV avaient planifié bien avant de se débarrasser de ce trop puissant ministre.
S’ensuit un procès interminable, suivi avec passion par Mme de Sévigné, où lui sont reprochées des malversations financières dont il n’est pas tout à fait innocent, mais dont il n’est certainement pas le seul coupable (il constitue en revanche un bouc émissaire idéal) et qui s’inscrivent dans un contexte bien particulier.
Il s’est beaucoup dépensé au service de la couronne et a atteint les objectifs que lui avaient fixés ses deux « patrons », Anne d’Autriche et Mazarin : financer l’effort de guerre et rétablir la confiance parmi les bailleurs de fonds.
Parmi les nombreuses propriétés qu’il a acquises en Bretagne, une se distingue tout particulièrement : Belle-Île, restaurée et fortifiée par ses soins et qu’il envisageait comme une retraite bien défendue. Hélas, non seulement il n’aura pas eu le temps de s’y réfugier, mais il a en outre commis l’erreur d’écrire un document compromettant dans lequel l’île est au centre d’une stratégie qu’il avait prévue en cas d’atteinte à sa personne, et qui servira de pièce à conviction dans son procès.
Nicolas Fouquet a par ailleurs commis de nombreuses erreurs politiques auprès du roi, notamment en tentant d’acheter sa favorite, Louise de la Vallière, qui semble-t-il était réellement éprise du roi et lui a illico dénoncé la maladroite tentative du surintendant.
Les nombreuses irrégularités de son jugement, soutenues par Colbert et Louis XIV, ont été dénoncées dans un Discours au roi par un de ses fidèles sujets sur le procès de M. Fouquet dont on sait aujourd’hui qu’il était écrit par Pellisson, ami fidèle de Nicolas. Ce texte, entre autres, va contribuer à retourner l’opinion publique en faveur de Fouquet alors qu’elle lui était totalement défavorable lors de son arrestation. Ce qui le sauvera, c’est aussi l’intégrité d’un des rapporteurs de son procès, Olivier Lefèvre d’Ormesson, qui n’a aucunement cédé à la pression effectuée par Colbert et demandera à ce que Fouquet soit « seulement » (il risquait une exécution pure et simple) banni à perpétuité, et tous ses bien confisqués.
Nicolas Fouquet fut finalement emprisonné jusqu’à la fin de sa vie à Pignerol.
Fouquet était-il l’Homme au masque de fer ?
Les incertitudes qui entouraient la mort de Fouquet, au Printemps 1680 à l’âge de 65 ans, ainsi que le lieu où il était emprisonné, ont fait de lui un des prétendants au titre d’Homme au masque de fer.
Ne prenons pas de détours : Jean-Christian Petitfils ne croit pas à ce mythe perpétré par les écrivains, et ce, notamment parce que les frais dépensés pour le prisonnier masqué n’étaient pas dignes d’un homme de la qualité de Fouquet. Selon lui, il s’agirait plutôt d’Eustache Danger, prisonnier attaché au service de Fouquet contre la promesse qu’il ne communiquerait qu’avec lui. En effet, le dénommé Eustache était porteur d’un secret d’Etat (encore inconnu semble-t-il !) et aurait été affublé d’un masque de fer par son geôlier… Simplement pour faire croire qu’il s’agissait d’un personnage prestigieux, tel que Fouquet ou Lauzun dont il avait eu la garde.
Bref, tous les mystères autour de Fouquet ne sont pas encore révélés… Et cela ne fait que rendre son personnage toujours plus fascinant, encore aujourd’hui !