Je lâcherais tout, même la proie, pour Londres. (Alphonse Allais)

Cité par Montalembert :
Le baron de Bulow, longtemps ministre de Prusse à Londres, disait un jour à des compatriotes qui lui demandaient son avis sur le pays où il avait été accrédité : « Après y avoir passé 3 semaines, j’étais tout prêt à écrire un livre sur l’Angleterre ; après 3 mois j’ai pensé que la tâche était difficile, et maintenant que j’y ai vécu 3 ans, je le trouve impossible. »

Etant d’avis que l’opinion du baron de Bulow, quoique peu récente, est certainement très sage, je me hâte d’écrire sur l’Angleterre tant que je n’ai que 3 jours à Londres à mon actif. De mon point de vue, le voyage rêvé, espéré, attendu, ou son souvenir embelli par le temps, a autant si ce n’est plus d’intérêt que l’expérience vécue, dont on rend compte presque à la minute même. Je prends le risque de rêver si fort que la réalité me semble fade.

Suite des propos de Montalembert :

L’Angleterre n’est pas un de ces parcs à allées droites et à arbres taillés, où le regard va droit devant soi et à perte de vue, où tout est aligné, émondé, sablé et arrosé par ordonnance de police. C’est une forêt vigoureuse et touffue, où il y a de bons et mauvais cantons, des pelouses charmantes et d’abominables fondrières, des chênes séculaires et des broussailles inextricables, mais où tout est spontané, robuste, naturel, et où la vie éclate et abonde de toutes parts. Seulement il faut en faire le tour, la sonder et la parcourir en tout sens et en toute saison pour s’en faire une idée. Encore ne sait-on jamais très bien si cette idée est exacte ou complète ; mais ce qu’on sait, ce qu’on sent, c’est qu’il y a là un foyer de vie, de force et de beauté.
De l’avenir politique de l’Angleterre, MONTALEMBERT, 1856

« Tout n’a-t-il pas été dit sur l’Angleterre ? » demandais-je, il y a 3 ans, à un Anglais. « Oui », me répondit-il, « mais tout reste à dire. » Ce qui me confirme dans cette opinion, c’est que les écrivains qui ont traité de la Grande-Bretagne – et il y en a d’éminents – l’ont tous vue en voyageurs. J’ai sur eux un avantage, que beaucoup d’entre eux ne m’envieraient pas, celui d’avoir pris racine dans cette civilisation qu’ils ont traversée à vol d’oiseau ou de vapeur.
Il y a 2 écueils à éviter : le premier est d’effleurer, en passant, une nationalité profonde et difficile à pénétrer ; le second est de s’y être tellement incorporé, qu’on n’en sente plus les angles ni les reliefs caractéristiques. Je m’imagine être, sous ce rapport, dans une situation heureuse. Quoique aimant du fond du cœur l’Angleterre pour ses institutions, pour ses libertés, pour ses vieilles mœurs, pour ses grandeurs, pour la forte et magnanime hospitalité que j’en ai reçue, j’ai conservé assez de l’étranger – comme disait le duc de Saint-Simon – dans mon langage et dans mes goûts, pour juger avec impartialité le peuple au milieu duquel je vis.
L’Angleterre et la vie anglaise, ESQUIROS, 1859

On ne voyage pas sans un peu d’enthousiasme chez un peuple aussi grand ; sans un peu d’amertume chez d’aussi anciens ennemis. Après tout, ce que j’ai écrit, je l’ai vu ; ce que j’ai dit, je l’ai pensé. Mon but n’a été que de prouver à mes jeunes contemporains, que l’on peut toujours retirer beaucoup de fruit du voyage le plus court, lorsqu’on a pris de bonne heure l’habitude d’observer.
Voyage d’un jeune Français en Angleterre et en Écosse, pendant l’automne de 1823, BLANQUI, 1824

* Les extraits cités proviennent du recueil Le voyage Outre-Manche, par Jacques GURY

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