Si la perte des valeurs, l’avidité des financiers et le triomphe de la télé-réalité vous emplissent d’amertume, vous trouverez un écho dans Les Wang contre le monde entier. Voici le premier roman d’une journaliste qui a trouvé l’inspiration en 2008, après avoir assisté à une soirée au luxe ostentatoire, imprégnée de l’idée que ce monde d’excès ne pouvait que s’effondrer.
Dans la famille Wang, je demande le père, plus vénéré que vénérable, revendiquant avec orgueil son origine et déterminé à reprendre les terres que le Parti communiste chinois lui a confisqué. La belle-mère, dont le principal fait d’arme consiste à en avoir trouvé un bon, de parti. Le fils, beau gosse mais puceau déterminé à le rester à moins de trouver l’amour, et aspirant comique. La fille aînée, prisonnière d’une relation destructrice. La fille cadette enfin, blogueuse mode adolescente obsédée par le suicide.
Et voilà que Charles réussissait en moitié moins de temps à perdre l’intégralité d’une existence dorée sans même l’aide d’une guerre mondiale ni d’un démagogue assassin. L’échec était peut-être inscrit dans son ADN, comme l’anémie falciforme ou l’idiotie amaurotique familiale, se transmettant de génération en génération jusqu’à ce qu’un croisement farfelu parvienne à éradiquer une bonne fois pour toutes ces perfides chromosomes. La stupidité effervescente de May Lee pouvait ressurgir et laver ses enfants de la tare de l’échec. Même si, pour l’instant, c’était peu probant. Saina se terrait au fin fond de la campagne, Grace était encore une gamine et Andrew, ma foi, Andrew voulait être humoriste, un choix de carrière qui s’apparentait à une rébellion ouverte contre la réussite.
Le livre n’attend pas leur revers de fortune pour dévoiler leurs faiblesses, leurs bassesses et leurs trahisons. Mais c’est au fil de leur déchéance qu’il révèle le lien indéfectible qui les unit, et l’amour un peu vache que leur voue l’auteure.
L’amour vous sauve, à condition d’avoir un soi à sauver.
Les mésaventures de la famille Wang sont prétexte à une réflexion profonde sur une multitude de sujets de société : la mercantilisation de l’Art, l’appauvrissement de la culture, le déracinement des émigrés qui ne sont jamais tout à fait chez eux dans leur pays d’accueil comme dans leur pays d’origine, et surtout, l’amoralité qui sous-tend l’univers des banques et de la finance.
Si la vision quelque peu désabusée du monde et le cynisme de Jade Chang font de ce roman un anti-feel good book, sa description sans concession mais pleine de tendresse de la famille et ses descriptions empreintes de sensualité vous amèneront à la fin d’un livre qui remplit bien sa mission : parler autrement d’immigration.
Merci aux éditions Belfond qui m’ont fait parvenir cet e-book par l’intermédiaire de NetGalley !