Je me suis procurée ce bouleversant e-book à l’occasion du Nouvel An Chinois. C’est un étudiant en histoire, Yi Jin, qui a entrepris de publier les souvenirs d’une ancienne dame de la cour du nom de He Rong Her avec laquelle il avait sympathisé. Le résultat est un rare et précieux témoignage du quotidien de la cour impériale juste avant l’avènement de la République de Chine.
He Rong Her fut employée au service de l’impératrice douairière Cixi, qui avait alors la soixantaine, à l’âge de treize ans. Après une formation rigoureuse, elle fut chargée de servir à fumer à l’impératrice.
Ne vous méprenez pas sur l’importance de cette tâche : la moindre étincelle sur le sol ou le corps de l’impératrice aurait pu lui coûter sa tête (littéralement) et le déshonneur aurait pu retomber sur sa famille ainsi que les autres dames de la cour qui l’avaient jugée suffisamment habile pour avoir cette responsabilité. Les membres de la famille impériale ne faisaient rien par eux-mêmes, pas même leur toilette (difficile d’oublier également cet édifiant passage sur le pot de chambre de l’impératrice), et tout à la Cité Interdite était pensé pour leur confort, souvent aux dépens de ceux qui les servaient.
Le sort des dames de la cour était étroitement lié à celui des eunuques qui comme elles, étaient astreints à une stricte discipline. He Rong Her fut mariée à l’un d’eux, mais cette “faveur” de l’impératrice douairière lui fit perdre tous ses espoirs de fonder une vie de famille à sa sortie du Palais. L’eunuque qu’elle épousa à 18 ans était chargé de coiffer et de raser l’empereur. Il finit sa vie affaibli par une grande consommation d’opium, remplissant sa femme de honte chaque fois qu’il tentait de maintenir l’apparence d’un niveau de vie qu’il ne pouvait plus assumer financièrement.
He Rong Her était aux premières loges pour connaître les habitudes de Cixi (on apprendra par exemple que l’impératrice aimait autant le lait de vache que le lait humain dans son thé, et que pas moins de trois mille couturières par an étaient nécessaires pour confectionner ses chaussettes qu’elle ne portait qu’une fois).
Elle a vu tous les raffinements de la cour, ses repas de fête, ses superstitions et ses traditions extrêmement ritualisées, jusqu’au dressage des animaux qu’elle décrit avec force détails. On ressent dans son récit une forme de nostalgie mêlée de désespoir : avoir été dame de la cour l’a privée de sa jeunesse, mais au fond d’elle, c’est ce qui a construit son identité.
Une plongée fascinante dans la vie à la Cité Interdite, à compléter par la lecture des Mémoires d’un eunuque dans la Cité interdite, et qui a éveillé encore davantage ma curiosité au sujet de la très redoutée Cixi (notamment lorsque He Rong Her évoque son rôle dans la mort de la concubine favorite de son fils !).
Source des photos
- Porte de la culture mentale, Cité interdite à Beijing par See-Ming Lee [Creative Commons] via Flickr
- L’impératrice douairière Cixi, par Yu Xunling (Smithsonian Institute) [Public domain], via Wikimedia Commons
Je note ! Ton article m’a donné très envie de parcourir ce livre ! 🙂
Alors il a rempli sa mission 😉
Si tu veux en savoir plus sur Ci Xi, je te conseille notamment La Vallée des roses, roman de Lucien Bodard. Passionnant et terrifiant. Je peux te le prêter.
William Articles récents…« Les Habitants », tranches de vie dérisoires et touchantes
Mais volontiers, merci !