Artistes, prostituées ou un peu des deux ? Tous les mythes ont leur part d’ombre. Ce qui me fascine chez les geisha, c’est qu’elles représentent une image vivante d’une conception de la féminité et de la séduction, les gardiennes d’une tradition, quelque chose de révélateur du degré de raffinement et de l’évolution des mœurs du Japon.
Mais une geisha, c’est avant tout un fantasme dont j’ai tâché de saisir l’essence aux travers de divers ouvrages qu’elles ont inspirés. Que vous souhaitiez lever une partie du voile sur les mystères qui les entourent, ou tout simplement rêver un peu, il y en aura pour tous les goûts.
Le plus romancé : Geisha, Arthur Golden
Comme on s’en doute d’après le nom de l’auteur, même énoncé sous forme d’une autobiographie, Geisha est une fiction. Peut-être inspirée d’une histoire vraie, mais les yeux bleus de l’héroïne vous rappellent constamment qu’il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre.
Pour le réalisme donc, il faudra donc aller voir ailleurs.
Pour une belle histoire de passion(s), en revanche, c’est extrêmement prenant. Je ne vous apprends rien, j’imagine, si je vous dis que ce best-seller a été adapté en film ? Mémoire d’une geisha est visuellement très beau, et assez fidèle au roman malgré quelques longueurs et des actrices… chinoises.
Le plus “Geisha Power !” : Ma vie de geisha, Mineko Iwasaki
Mineko Iwasaki, petite dernière d’une famille nombreuse, a été vendue par ses parents comme bon nombre de geisha. La différence étant qu’elle était destinée à devenir l’héritière d’une maison de geisha (okiya) dès le début de sa formation, ce qui lui a valu certains privilèges.
De toutes les autobiographies de geisha que j’ai lues, c’est Mineko dans Ma vie de geisha qui m’a semblée la plus satisfaite de sa fructueuse carrière. De par la liberté que lui donnait son statut d’héritière d’une part, et de geisha célèbre d’autre part, Mineko a pu s’engager – parfois en vain – pour l’amélioration du statut de ses consœurs, consciente notamment de leur manque d’éducation.
Ma vie de geisha est une success story, un hymne à la profession de geisha dont l’auteur a tiré une certaine fierté.
Le plus instructif : Mémoires d’une geisha – Inoue Yuki
De loin mon préféré. Sans doute l’ouvrage qui a répondu au plus grand nombre de questions que je me posais.
L’auteur de Memoires d’une geisha raconte avec un respect sensible à travers ses écrits sa rencontre avec une ancienne geisha ayant accepté de lui raconter sa carrière, au début du XXe siècle.
La dure discipline à laquelle sont astreintes les geisha, les espoirs déçus, notamment le rêve d’une vie de famille avec mari et enfants, le dégoût des relations sexuelles avec les hommes, l’art comme échappatoire, les coups bas de cet univers presque exclusivement féminin, sont décrits avec franchise, mais non sans pudeur.
Le plus réaliste : Autobiography of a geisha – Sayo Masuda
Contrairement à la plupart des geisha évoquées dans les ouvrages précédents, Sayo Masuda n’était pas geisha à Kyoto, mais dans des quartiers de plaisir en province où la frontière entre les prostituées et les geisha est d’autant plus tenue. Ici, la geisha couche, l’art est accessoire – mais une fois de plus salvateur, puisqu’il est le seul élément qui différencie la geisha de la prostituée.
Peu éduquée, exploitée dès son enfance, Sayo Masuda aura été pauvre toute sa vie et perdu tous les gens auxquels elle tenait, et ne reculera devant rien pour survivre.
C’est d’ailleurs pour se nourrir que Sayo Masuda écrira Autobiography Of A Geisha, dans l’espoir de toucher le prix du concours d’un journal.
A ne pas lire si vous n’avez pas le moral, sous peine de dépression aggravée. Mais bien utile pour garder les pieds sur terre par rapport à une vision édulcorée ou trop érotisée de la geisha, et réaliser l’étendue de la misère dans laquelle le Japon était plongé après la deuxième guerre mondiale.
Le plus scientifique : Geisha – Liza Dalby
Liza Dalby est ethnologue, grande spécialiste du Japon, et plus particulièrement des geisha sur lesquelles elle a écrit une thèse. Mais Liza Dalby est aussi la première femme occidentale à laquelle il a été permis de suivre une formation de geisha.
Liza Dalby est donc la première geisha américaine. L’introduction de Geisha porte tous les signes d’un ouvrage de sociologie. La démarche de Liza Dalby est celle dite de “l’observation participante” : pour mieux observer et étudier une société, le chercheur doit se faire accepter comme un de ses membres, dans le but de comprendre leurs mœurs sans les juger.
Le risque néanmoins est de se défaire de la sacro-sainte objectivité prônée par les sociologues. L’avantage, c’est qu’on s’attache très vite au côté passionné de Liza Dalby et que la lecture en est d’autant plus facile. Outre une observation très pointue des rites des geisha, rigueur scientifique oblige, le récit est émaillé d’anecdotes émouvantes ou amusantes, et surtout, le lien est fait en permanence entre ce que représentent les geisha, et l’histoire et l’évolution sociologique du Japon.
Pour conclure…
Je suis loin d’avoir fait le tour de la question, et je compte bien ne pas m’arrêter là. J’oriente désormais mes recherches vers la vision romancée de la geisha par les auteurs occidentaux, et sur des témoignages de geisha plus récents.
Super article ! Je n’ai lu que le premier, Geisha d’Arthur Golden, mais celui de Inoue Yuki m’intéresse ! C’est sympa d’avoir fait un petit bilan sur ce thème !
Lybertaire Articles récents…Siamoises ≡ Canesi & Rahmani
Merci ! Les geisha sont une de mes obsessions culturelles (depuis que j’ai lu Geisha d’Arthur Golden justement), et je suis friande de tout ouvrage fictionnel ou documentaire pour en savoir plus à leur sujet. Tous ceux de cette liste sont très intéressants et assez complémentaires somme toute, j’espère que celui d’Inoue Yuki te plaira et te donnera envie de lire les autres !
C’est un article très intéressant ! Moi qui essaye de me renseigner le plus possible sur la vie de ces femmes depuis plusieurs années je suis heureuse de voir que tu me donnes de nouvelles pistes ! J’ai lu le roman d’Inoue Yuki qui est très intéressant du point de vue des renseignements qu’elle peut nous offrir, d’ailleurs j’ai bien envie de me le relire !
Si tu veux d’autres renseignements un peu plus technique (par exemple les coiffent correspondant à certains événement ou connaitre un peu mieux les maiko et geisha actuelles de Kyoto) tu peux jeter un coup d’œil sur le tumblr de Geisha-Kai sauf si tu connais déjà !
Merci Marie pour tes encouragements et ce Tumblr que je ne connaissais pas encore ! Bon dimanche !